Le Baiser, lieu d’une rencontre

stephaniebertoldi_baiser

Le baiser d’amour

Il y a des baisers qui n’ont rien de commun avec l’instinct sexuel. Il serait vain d’attribuer à chaque baiser des motifs érotiques ; on donne et l’on reçoit des baisers qui répondent exclusivement à des coutumes et à des convenances. Sans doute, il y a des baisers exempts de toute sexualité. Mais cette catégorie est beaucoup plus restreinte qu’on ne le croit ou qu’on feint de le croire. Les sensations sexuelles jouent dans la vie un rôle autrement important qu’on ne le pense ou qu’on ne l’avoue. En tout cas, le baiser “en tout bien, tout honneur”, que l’on désigne ainsi pour exprimer son asexualité, est moins “innocent” qu’on ne le fait croire par hypocrisie, ou pour d’autres motifs. Les hommes mûrs, qui n’essaient pas de se donner le change, en savent quelque chose. Et les conséquences fréquentes, délicieuses ou désastreuses, d’un baiser “innocent” sur la main ou sur le front, prouvent que le respect ou la pitié qui présidaient, soi-disant à cette opération, n’étaient qu’un leurre.

Il y a d’autres baisers qui ont, eux, une empreinte sexuelle ; mais la timidité et la réserve avec lesquelles ils sont donnés et reçus les placent plutôt parmi les manifestations du prélude que dans la catégorie des jeux de l’amour.

On peut considérer comme tels les baisers que l’on donne et que l’on reçoit au cours de certains jeux de société, ou encore ceux échangés timidement, et par curiosité, par des adolescents.

Tous ces baisers manquent de l’élément primordial indispensable au baiser d’amour : être donné de bouche à bouche, avec participation active des deux partenaires.

  • Caractéristique du baiser d’amour
  • Aperception du baiser d’amour
  • Deux facteurs importants à signaler
  • Les gradations du baiser d’amour

Caractéristique du baiser d’amour

Le baiser d’amour est riche en variations. Depuis un léger effleurage avec les lèvres ou les bords des lèvres, il parcourt toute la gamme d’intensité de l’attouchement, jusqu’au “maraichinage”, où les deux partenaires promènent leur langue, pendant un temps assez long, dans la cavité buccale l’un de l’autre.

Il est certain que ce ne sont pas les baisers les plus “profonds” qui provoquent toujours les excitations les plus violentes, comme il n’est pas douteux que, pour le baiser d’amour, la maîtrise réside non seulement dans une certaine retenue, mais surtout dans les nuances.

La langue est, en l’occurrence, un instrument indispensable, et le baiser lingual une des variantes les plus importantes du baiser. Quoiqu’il puisse être donné parfois d’une manière plus énergique, par l’introduction profonde de la langue dans la bouche du partenaire, il sera pourtant, dans le raffinement de sa graduation, tout à fait différent du procédé grossier des Maraichins, qui ne convient qu’à des individus peu cultivés. Le baiser lingual, au contraire, devient cause des plus fortes excitations, quand le bout de la langue exerce un chatouillement fin et délicat sur la commissure des lèvres et sur le bout de la langue du partenaire.

Aperception du baiser d’amour

Trois sens participent à l’aperception du baiser : le tact, l’odorat et le goût.

Pendant le baiser, une grande importance échoit à l’odorat ; le nez, étant en contact étroit avec la peau et les environs de la bouche, en reçoit des impressions olfactives, auxquelles s’ajoutent celles de la bouche et du parfum de l’haleine. Nous avons parlé plus haut de l’effet de ces odeurs. Il est probable que ces émanations cutanées jouent un plus grand rôle qu’on ne le pense, et qu’en tout cas, la théorie qui voit dans le baiser une évolution phylogénique du reniflement mutuel des animaux est admissible.

Chez les peuples où, au lieu de s’embrasser, on se renifle en se frottant le nez, les émanations cutanées jouent sans doute le rôle principal, bien que l’haleine doive, également, avoir son importance.

Le tact a aussi un rôle réceptif pendant le reniflement, bien qu’il ne soit pas aussi finement gradué, ni aussi intense qu’au cours du baiser.Mais il est certain qu’un élément, le goût, fait totalement défaut au reniflement. Cet élément n’est que rarement apprécié selon toute sa valeur, et peu d’entre nous sont aussi raffinés que les anciens Romains, pour savoir définir le goût du baiser de la femme aimée. Il est pourtant absolument sûr que le baiser possède un goût ; ce goût est difficilement définissable et varie non seulement d’individu à individu, mais chez le même sujet. Il dépend sans doute de la salive ; la chimie physiologique nous apprend, en effet, que la composition de celle-ci change quand il s’opère dans l’organisme une modification, même normale, comme la grossesse, et que nombre de substances, incorporées à l’organisme, passent dans la salive.

Ces raisons suffisent pour pouvoir attribuer au goût et à l’odeur de la salive, qui ne peuvent être complètement séparés l’un de l’autre, une nuance personnelle qui caractérise le baiser.

Pendant chaque baiser d’amour : si le baiser est intense et prolongé et, ce qui est essentiel, “mouillé”, un peu de salive passe d’une bouche à l’autre. Certains amoureux, sinon tous, préfèrent convertir ce “peu” en “beaucoup”, et les poètes qui chantent : “je veux boire tes baisers” ne disent là rien de chimérique : les baisers d’amour se boivent.

Deux facteurs importants à signaler

Le premier est la sensation particulière provoquée par la succion, exercée plus ou moins énergiquement, pendant le baiser ; cette sensation varie selon que la perception est active, passive ou mixte.

Le deuxième facteur, les dents, ne joue pas seulement le rôle de support pour les lèvres, mais intervient d’une manière très active au cours des baisers.

Il est un fait que les petites morsures fines, délicates, un peu aiguëes, mais jamais douloureuses, que l’homme et la femme échangent durant les jeux de l’amour, peuvent devenir, aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reçoit, une excitation érotique intense, surtout si ces morsures se suivent rapidement, en séries, à des endroits situés très près l’un de l’autre.

Les gradations du baiser d’amour

Le baiser d’amour a une gamme très étendue de tonalités et de gradations.

L’homme expert en amour les connaît et sait les employer ; l’homme sans expérience doit les apprendre.

Balzac a dit très justement que l’homme, qui ne sait pas distinguer la différence des jouissances de deux nuits consécutives, s’est marié trop tôt.

Cela est vrai, à plus forte raison, pour l’homme qui ne sait pas distinguer entre les différents baisers d’amour, ou ne sait pas faire usage de cette distinction.

A côté des baisers de bouche à bouche, les jeux de l’amour connaissent d’autres baisers, appliqués sur les endroits les plus divers du corps. La gradation de ce genre de baisers dépend, en premier lieu, des parties du corps sur lesquelles ils sont appliqués ; on peut dire, en général, qu’à l’exception de la bouche et des seins qui tiennent une place à part, la sensibilité progresse de la périphérie vers le centre : du front vers les joues, du bout des doigts vers les bras, des pieds vers les mollets, toujours dans la direction des parties génitales.

Ces baisers permettent d’obtenir toute une gradation d’excitations, en partant d’un baiser léger, caressant ou chatouillant, pour aboutir à une succion ou à une morsure.

Contrairement au baiser sur la bouche, où “donner” et “recevoir” se confondent, et où tact actif et tact passif ne se différencient plus, le baiser sur le corps sépare nettement les deux variétés d’aperception. Les deux sensations : embrasser le corps adoré ou être embrassé par l’homme aimé, n’ont rien de commun. Toutes les deux se totalisent pourtant, lorsque les deux partenaires prennent une part active et simultanée à ce genre de jeu d’amour.

Quant à l’analyse de ce baiser, il est clair que l’excitation provoquée par le baiser reçu ne provient que de sensations tactiles, tandis que dans le baiser qu’on donne, ces sensations, transmises au cerveau par les lèvres et le bout de la langue, se trouvent encore renforcées par des impressions olfactives.

Dans cette variété de baisers, le reniflement joue un rôle beaucoup plus grand que dans le baiser d’amour sur la bouche, d’où le reniflement à proprement parler est exclu. Le reniflement fait ici pour les deux partenaires partie intégrante du baiser. Les sensations particulières que l’épiderme ressent pendant le reniflement déclenchent toujours, souvent inconsciemment, une excitation intense, et nombre de sujets, surtout des femmes, les éprouvent d’une manière tout à fait consciente. Le courant d’air intermittent, qui agit comme une espèce de massage pneumatique, les différences de température provenant de l’inspiration et de l’expiration jouent un rôle important dans ce processus.

Il est évident que les sensations olfactives de celui ou de celle qui embrasse dépendent de l’intensité et de la nuance des émanations cutanées de celui ou de celle qui reçoit le baiser.

Il n’est pas non plus nécessaire d’insister sur le fait que le goût, qui ne joue qu’un rôle secondaire dans ce genre de baiser, peut, chez certains individus, dans certaines circonstances, et à certains endroits du corps, avoir une influence sur l’impression totale ressentie par le partenaire actif.

Source : Th. Van de Velde